CNRS Chimie accueille Viola Birss en tant qu'Ambassadrice CNRS des sciences chimiques
Le 16 juin 2025, Viola Birss, professeure de chimie à l’Université de Calgary (Canada), débutera une série de conférences dans plusieurs laboratoires français du CNRS en tant qu'Ambassadrice CNRS des sciences chimiques en France. Spécialiste des matériaux électrochimiques pour leurs applications dans le domaine de l’énergie, ses recherches portent plus particulièrement sur le développement de nouveaux électrocatalyseurs, de matériaux pour les batteries et les supercondensateurs, les systèmes d'électrolyse et les piles à combustible, pour un stockage et une conversion durables de l'énergie électrique.
- Des efforts considérables se focalisent sur la conception et la synthèse de nouveaux matériaux électrochimiques pour leurs applications dans le domaine de l’énergie. Pouvez-vous nous en dire plus sur les travaux menés par votre équipe dans ce domaine?
Les efforts de mon équipe se concentrent sur le développement de matériaux électrocatalytiques pour les piles à combustible et les cellules d'électrolyse qui peuvent fonctionner soit à basse température (systèmes dits PEM dans des conditions acides), soit à haute température (systèmes à oxyde solide). Si la composition du catalyseur est le paramètre le plus critique qui doit être optimisé, la porosité est également un facteur important car elle augmente la surface active sur laquelle se déroulent les réactions électrochimiques, ce qui se traduit par une plus grande efficacité. Ainsi, les propriétés des pores doivent être optimisées afin de maximiser la diffusion des réactifs gazeux tels que H2 et O2, ainsi que celle des ions, vers/depuis les sites catalytiques, ce qui va se traduire par une puissance et une production d'énergie plus élevées.
Pour les piles à combustible PEM à basse température, nous développons une nouvelle famille de supports de carbone nanoporeux allant des poudres (CIC) aux échafaudages autonomes, ou feuilles (NCS). Notre objectif est de contrôler leur nanoporosité interne pour produire des pores interconnectés 3D monodisperses (10 à 200 nm) ou des pores bimodaux ou multimodaux afin de surmonter certains des problèmes posés par les poudres de carbone actuelles. Un autre avantage de ces matériaux est qu'ils présentent une forte concentration de défauts de surface qui facilitent la nucléation et la stabilisation de dopants hétéroatomiques comme des nanoparticules métalliques pour des applications catalytiques. Par exemple, après dopage à l'azote, nos carbones nanoporeux deviennent catalytiques pour la réduction du CO2 en milieu aqueux. Mieux encore, un second dopage avec des atomes de Fe ou de Ni augmente encore l'activité catalytique tout en améliorant de manière significative la sélectivité des produits de réaction et la durabilité du catalyseur. Les échafaudages en feuilles NCS sont également bien adaptés pour le dépôt en couche atomique de nanoparticules, au platine par exemple, qui permettent d'obtenir d'excellentes performances dans les piles à combustible PEM. Tous ces matériaux peuvent également être utilisés comme électrodes dans les batteries à flux redox et les supercondensateurs, car l'uniformité et l'interconnectivité tridimensionnelle des nanopores, combinées à la bonne mouillabilité de la surface, permettent à l'électroyte d'accéder à la totalité de la surface interne du carbone.
Pour les piles à combustible à oxyde solide fonctionnant à haute température, nous développons une famille de catalyseurs à base d'oxydes métalliques conducteurs mixtes. Nous avons démontré que ces nouveaux matériaux présentant une excellente stabilité sont capables de catalyser à la fois l'oxydation du H2 et la réduction de l'O2 à des densités de puissance élevées, tout en réduisant les coûts de fabrication. Ces catalyseurs peuvent également être utilisés aux deux électrodes pendant l'électrolyse, convertissant le CO2 en CO, la vapeur en H2, ou le CO2+vapeur en gaz de synthèse à la cathode, tout en générant de l'O2 pur à l'anode. Fonctionnant à haute température, ces électrodes s'avèrent extrêmement efficaces générant facilement 1 W/cm2 à des tensions de cellule d'environ 1,5 V, dépassant de loin (par des facteurs de 2 à 3) ce qui est réalisable dans les cellules d'électrolyse à basse température. Nous cherchons également à optimiser nos matériaux pour la conversion directe du gaz naturel en électricité propre et en chaleur tout en capturant simultanément le CO2 produit à l'anode et en le stockant pour une utilisation future.
- Quels sont les progrès à venir dans ce domaine au cours des prochaines années ?
L'espoir est que nous puissions rapidement évoluer vers un avenir énergétique plus propre en tirant parti d'un large éventail des technologies électrochimiques. La situation est urgente étant donnés les nombreux impacts négatifs s associés à la combustion d'hydrocarbures et aux émissions de CO2. Bien que les scientifiques fassent des progrès significatifs dans l'amélioration des performances des dispositifs, la réduction des coûts, l'augmentation des durées de vie, etc…, il est urgent de mettre en place une politique gouvernementale d’aide aux secteurs impliqués dans la fabrication et le développement des piles à combustible, des cellules d'électrolyse, des batteries, etc…, si nous voulons avoir un espoir de commercialiser ces dispositifs. De plus, il est urgent de mettre en place l'infrastructure H2 nécessaire à l'utilisation généralisée de l'hydrogène comme vecteur énergétique dans tous les pays.
Plus précisément, nous devons accélérer la mise en œuvre des piles à combustible dans les transports routiers à longue distance et les applications ferroviaires qui commencent seulement à apparaître. La mise en place rapide de l'infrastructure de distribution du carburant H2 (stations de remplissage) stimulerait immédiatement la production et l'utilisation de véhicules à pile à combustible utilisant le H2 comme source d'énergie. Comme le produit des réactions impliquées dans les piles à combustible PEM est de l'eau pure, il s'agirait d'un grand pas en avant dans l'élimination des produits de combustion nocifs tels que le CO2 rejeté massivement dans l’atmosphère par le secteur des transports. Les piles à combustible dites « à oxyde solide », qui fonctionnent à des températures plus élevées (entre 600 et 800°C), sont plus susceptibles de trouver une application dans des environnements stationnaires. Mais là encore, le développement à grande échelle nécessitera la mise en place d'une politique gouvernementale appropriée et le soutien des autorités publiques.
- En tant qu'ambassadeur des sciences chimiques en France, avez-vous des attentes particulières pour cette tournée ?
Je me réjouis de rencontrer un grand nombre de scientifiques et d'ingénieurs du CNRS qui mènent des recherches dans le domaine de l'électrochimie et de la conversion/stockage d'énergie propre. Mon objectif est de partager et d'échanger connaissances et idées pour aboutir à de nouvelles recherches en collaboration qui pourraient, je l’espère, se traduire par de belles avancées dans les performances et/ou la mise en œuvre des technologies électrochimiques pour la transition énergétique. Je me réjouis également de rencontrer des étudiants, de discuter avec eux, et de découvrir le fonctionnement du CNRS et la manière dont l’organisme organise et stimule les collaborations entre les laboratoires. J'espère enfin rencontrer d’autres membres du réseau international H2 France/Canada1 dont je fais partie pour formaliser avec eux des sujets de recherche communs autour desquels nous pourrions bâtir des collaborations à plus long terme.
Rédacteur : CCdM
- 1 Le réseau de recherche international FC Clean H2, lancé à l’Université de Calgary (Alberta-Canada) en 2024, rassemble des scientifiques de douze institutions partenaires en France et au Canada unissant leur expertise pour relever les défis scientifiques et technologiques liés à la production d’hydrogène à coût réduit et à faible empreinte carbone.
Calendrier des conférences
- 16/06/2025 – Belfort – Institut Franche-Comté électronique mécanique thermique et optique – sciences et technologies (contact : Daniel Hissel)
- 18/06/2025 – Grenoble – Laboratoire d'électrochimie et de physicochimie des matériaux et des interfaces (contact : Marian Chatenet)
- 19-20/06/2025 – Nantes – Institut des matériaux de Nantes Jean Rouxel (contact : Olivier Joubert)
- 23/06/2025 – Bordeaux – Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (contact : Jacinthe Gamon)
- 24/06/2025 – Poitiers – Institut de chimie des milieux et matériaux de Poitiers (contact : Christophe Coutanceau)