Synthétiser des médicaments par extrusion pour une chimie durable

Résultats scientifiques

Des scientifiques de l’Institut des biomolécules Max Mousseron (CNRS/Université de Montpellier/ENSCM) proposent à l’industrie pharmaceutique un procédé mécanique utilisant une extrudeuse, en continu, pour une synthèse écoresponsable de principes actifs de médicaments.

La synthèse des amides, présentes dans un grand nombre de composés pharmaceutiques, peut impliquer de grandes quantités de solvants pour solubiliser le milieu réactionnel et purifier par la suite le produit obtenu. Pour limiter l’impact environnemental de cette synthèse, les industries ont développé des méthodes de mécanochimie, c’est à dire par broyage à billes, sans solvant, pour la préparation de ces amides. Mais ce broyage implique un processus discontinu en réacteur fermé, qui nécessite l’arrêt et l’ouverture du réacteur pour récupérer le produit final. Le passage à l’échelle industrielle nécessite des broyeurs plus grands, comme ceux employés dans l'industrie des minerais, et pose alors des problèmes de sécurité vu les volumes importants à manipuler.

D’où l’idée de se tourner vers la chimie « en flux continu » pour s’affranchir de ces gros volumes dangereux à manipuler dans des réacteurs classiques. Hélas, cette approche nécessite là encore une grande quantité de solvants. L’originalité de la solution proposée par une équipe de l’Institut des Biomolécules Max Mousseron (IBMM, CNRS/ Université de Montpellier) est d’utiliser une extrudeuse, appareil de production classique en continu utilisé comme réacteur chimique pour la fabrication de polymères ou dans l’industrie alimentaire. Les réactifs sont introduits avec une très faible quantité de solvant dans un système de double vis qui va malaxer, éventuellement chauffer, et convoyer le mélange réactionnel en continu pour une récupération du produit de réaction en fin de parcours.  Ainsi, cette extrusion réactive réduit considérablement l’impact environnemental de la préparation de ces amides mais aussi leur temps de production.

Deux substances actives de médicaments ont pu être préparées par cette méthode : le teriflunomide qui agit sur la sclérose en plaques et le moclobémide utilisé pour traiter la dépression. 11 g de moclobémide ont pu être préparés en 2 minutes, en continu. Pour augmenter encore la production, il suffit de continuer à alimenter l’extrudeuse en réactifs pour arriver à la quantité de moclobémide désirée.

Ces résultats montrent que l’extrusion réactive, reconnue par l’International Union of Pure and Applied Chemistry (IUPAC) comme « une des technologies d’avenir qui vont changer le monde », pourrait rapidement devenir un nouvel outil de synthèse pour une chimie durable car cette approche combine l’efficacité en terme de rendement à une réduction de l’impact environnemental.

Rédacteur : CCdM

lamaty
© Frédéric Lamaty

Référence

Matthieu Lavayssiere & Frédéric Lamaty
Amidation by Reactive Extrusion for the Synthesis of Active Pharmaceutical Ingredients Teriflunomide and Moclobemide
Chemical Communication 2023

https://pubs.rsc.org/en/content/articlelanding/2023/cc/d2cc06934b

Contact

Frédéric Lamaty
Chercheur à l'Institut des biomolécules Max-Mousseron
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC