Anne Monod lit à travers les nuages pour comprendre notre environnement

Développement durable Entretiens

Spécialiste des questions de chimie atmosphérique au Laboratoire de chimie de l’environnement (CNRS/Aix-Marseille Université), Anne Monod explore les phénomènes naturels qui se produisent dans l'atmosphère et qui impactent, de façon directe ou indirecte, la qualité de l'air et le climat. Elle a été la première à élaborer un système pour collecter l’eau des nuages depuis un ULM.

Si Anne Monod a la tête dans les nuages, ne vous y trompez pas, c’est uniquement pour chercher à comprendre comment ceux-ci se forment et impactent notre environnement. Cette spécialiste de la chimie atmosphérique se passionne pour le sujet depuis sa thèse en 1997. « Ce qu’on savait alors, c’est que La chimie des composés organiques volatils (COV) et des oxydes d’azote (NOx) généraient de l’ozone dans la troposhère. Avec la chimie en phase aqueuse, j’ai démontré l’inverse, en laboratoire. Il semblerait qu’on ait un puits net d’ozone dans les nuages» .

Lorsqu’elle rejoint le Laboratoire de chimie de l’environnement (CNRS/Aix-Marseille Université), à Marseille, d’abord en tant qu’enseignante-chercheuse, elle lance bille en tête le projet « Cinétique, mécanique et réactivité dans les nuages » qui fait des émules au niveau national et international.

Elle mène notamment une recherche conjointe avec l’institut TROPOS de Leipzig, alliant physique et chimie, pour reproduire un nuage réaliste en chambre de simulation atmosphérique (CESAM au LISA - Université Paris-Est Créteil), au plus près des conditions atmosphériques réelles. « Mais le réacteur a des parois qui n’existent pas dans la réalité, et l’observation sur le terrain reste difficile à cause des conditions hors équilibre, surtout dans les nuages, et à cause des masses d’air continuellement changeantes», explique la chimiste.

Anne Monod n’est pas femme à renoncer. Elle part plusieurs mois aux Etats-Unis où elle rencontre des spécialistes de la collecte des brouillards et nuages. Elle envisage alors l’étude des nuages d’un œil nouveau, plus proche de la réalité du terrain.

En 2017, une campagne internationale d’observation en Namibie (AEROCLO-sA) sur les interactions entre les aérosols et les nuages lui donne l’opportunité de participer. Elle réalise des prélèvements et des analyses d’échantillons de brouillards, seule source d’eau pour la faune et la flore dans ce pays aride, où le changement climatique est extrême. « Nous sommes en train de montrer l’influence de la micro-biologie sur ces brouillards. La matière organique a peut-être un impact sur la formation initiale des gouttelettes des nuages ». Elle repartira l’an prochain dans cette région d’Afrique Australe pour étudier la question pour un projet international.

Anne Monod a le goût du terrain et de l’expérimentation, ce qui l’amène à mettre au point avec l’aide du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE), un préleveur d’eau de nuage sur un ULM, plus écologique que l’avion. Une campagne sur le lac d’Annecy, puis à Aubenas, a permis des analyses des isotopes de l’eau. « Avec un ancien post-doctorant, nous réfléchissons à faire porter ce système par des drones. », dévoile-t-elle, enthousiaste.

Un autre sujet l’occupe aussi, l’étude de la matière organique et son rôle sur la tension de surface pour condenser l’eau et ainsi mieux comprendre la formation des nuages. Elle ne lâche rien pour comprendre ce qui impacte notre environnement.

« Environnement », un mot qui était rare dans les énoncés de formations au début de ses études, mais présent au sein de l’Ecole nationale d’électrochimie et d’électrométallurgie de Grenoble. « A l’époque, je me sentais déjà concernée par la question et j’ai eu la chance que le directeur de cette école me laisse exceptionnellement suivre un DEA (Master 2) sur la chimie de la pollution atmosphérique et la physique de l’environnement, en parallèle de mon cursus d’ingénieure. Maintenant, beaucoup de formations existent car le sujet attire les jeunes sur le plan citoyen. En tant que Professeure d’université, je rappelle cependant à mes étudiants de L1 à M2 que, pour agir, il faut déjà comprendre. »

« Ce qui me porte, c’est la complexité de l’écosystème, je ne rentre pas dans le débat ‘c’est bien, c’est mal’. On ne fait pas de politique on fait de la science ! », commente Anne Monod qui exprime également son franc-parler en tant que chargée de mission pour l’alliance nationale de recherche pour l’environnement ALLENVI. Une voix qu’elle sait aussi faire entendre au sein de l’association Femmes et science et qu’elle a portée durant 5 ans au sein du Comité national de la recherche scientifique.

Stéphanie Younès

 

Pour en savoir plus : https://lejournal.cnrs.fr/videos/les-profileurs-de-nuages

 

 

Contact

Anne Monod
Alliance Allenvi Chimie atmosphérique
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC