Transformer le CO2 en méthanol « vert »

Résultats scientifiques

Faire du CO2 une source d’énergie est un défi actuel qui occupe nombre de chimistes. Pour cela, il est nécessaire de faire réagir la molécule très stable du CO2 pour la convertir, en général à l’aide de catalyseurs, en d’autres molécules d’intérêt. Une équipe franco-espagnole a récemment mis au point et caractérisé de nouveaux catalyseurs qui permettent l’hydrogénation efficace et stable du CO2 en méthanol, molécule utile en tant que vecteur d’énergie mais aussi comme brique de base pour de nombreuses réactions chimiques. Ces résultats, publiés dans la revue Green Chemistry, permettent d’entrevoir de nouvelles solutions pour convertir et valoriser le CO2, principal gaz à effet de serre.

Les besoins actuels et futurs en énergie, combinés au dérèglement climatique, conduisent les chercheurs à proposer de nouvelles solutions pour convertir le principal gaz à effet de serre, le dioxyde de carbone (CO2), en vecteurs chimiques de l’énergie. Parmi ces derniers, le méthanol (CH3OH) occupe une place de choix, car il peut être facilement stocké et utilisé à la demande comme carburant de piles à combustibles, pour des applications telles que le transport ou la production d’électricité sur site isolé. Le méthanol est également abondamment utilisé par l’industrie chimique comme molécule « plateforme » pour synthétiser de nombreux composés à haute valeur ajoutée pour la plasturgie, le textile, l’agrochimie, la pharmacie et le bâtiment. Actuellement, la voie la plus mature pour transformer le CO2 en méthanol est l’hydrogénation catalytique, réalisée à pression et température élevées. A condition d’utiliser de l’hydrogène et de l’électricité dits « verts », c’est-à-dire produits à partir de sources renouvelables, cette solution a déjà fait la preuve de sa viabilité. Concernant le catalyseur, les recherches et applications récentes se sont surtout concentrées sur le système Cu-ZnO, qui contient des nanoparticules de cuivre et d’oxyde de zinc. Ce système souffre de plusieurs inconvénients, tels que sa sensibilité à l’eau coproduite lors de la réaction et le risque lié à l’approvisionnement en zinc. D’autres catalyseurs ont été proposés, mais ils contiennent également des métaux « critiques », tels que le palladium ou l’indium.

Dans ce contexte, des chercheurs de l’Institut de recherches sur la catalyse et l'environnement de Lyon (CNRS/Université Claude Bernard), en collaboration avec des scientifiques de l’Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg (CNRS/Université de Strasbourg), du Laboratoire Hubert Curien (CNRS/Université Jean Monnet/Institut d’optique graduate school), de la source de rayonnement synchrotron ALBA à Barcelone et de l’Institut des technologies de l’énergie de Barcelone, ont démontré l’efficacité de nanocristaux de dioxyde de titane (TiO2) recouverts d’une faible quantité (quelques pourcents en masse) de molybdène. Ils ont montré que ce matériau catalyse de façon stable l’hydrogénation de CO2 en monoxyde de carbone et méthanol. Grâce à l’utilisation de techniques de pointe telles que la spectroscopie de photoélectrons en présence de gaz (NAP-XPS), ils ont pu élucider le fonctionnement de ce catalyseur à l’échelle moléculaire. Ils ont ainsi attribué son activité et sa sélectivité en méthanol à une synergie entre la surface de TiO2 et le molybdène « ultradispersé ». Ces travaux, parus dans la revue Green Chemistry, ouvrent la voie au développement de nouveaux catalyseurs et procédés éco-efficients pour la conversion du CO2 d’origine anthropique en méthanol et autres vecteurs d’énergie.

Image de microscopie électronique (STEM-HAADF) montrant des atomes de molybdène isolés à la surface de nanocristaux de TiO2. Comme illustré, ce matériau catalyse la conversion de CO2 en méthanol.© Laurent Piccolo et Yaya Lefkir

Référence

Ultradispersed Mo/TiO2 catalysts for CO2 hydrogenation to methanol

Thomas Len, Mounib Bahri, Ovidiu Ersen, Yaya Lefkir, Luis Cardenas, Ignacio J. Villar-Garcia, Virginia Pérez Dieste, Jordi Llorca, Noémie Perret, Ruben Checa, Eric Puzenat, Pavel Afanasiev, Franck Morfin et Laurent Piccolo, Green Chemistry 9 août 2021

https://doi.org/10.1039/D1GC01761F

Contact

Laurent Piccolo
Chercheur à l'Institut de recherches sur la catalyse et l'environnement de Lyon (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS