Marier la spintronique et la photonique pour émettre de la lumière polarisée circulairement

Résultats scientifiques

Des scientifiques ont mis au point une nouvelle méthode pour coder le spin de l’électron - support magnétique de l’information - en un signal lumineux polarisé, grâce à une impulsion électrique. Ils ont ainsi produit un dispositif expérimental dont la mise en œuvre est aisée et qui démultiplie la fréquence d’encodage de l’information par rapport aux technologies existantes. Ce codage efficace de l'information pourrait trouver des applications dans de nombreuses technologies de télécommunication.

La spintronique est une technique utilisée dans de nombreux dispositifs numériques comme les mémoires MRAM, des mémoires magnétiques, qui pourraient un jour prochain équiper nos ordinateurs. Elle utilise le spin (moment magnétique ou aimantation) des électrons d’un matériau pour coder des informations binaires. Ce moment magnétique ne peut en effet prendre que deux orientations up et down, l’une assignée à un bit de valeur 0, l’autre de valeur 1. De tels dispositifs offrent donc la possibilité de stocker l’information binaire en générant des bits magnétiques. Une fois stockée, comment transporter une telle information rapidement, et sur de longues distances?

Pour véhiculer cette information magnétique, les scientifiques utilisent la lumière en jouant sur ses propriétés comme son intensité, sa fréquence, sa phase et sa polarisation.... En effet, c’est le vecteur le plus rapide et ces propriétés, plus particulièrement la polarisation circulaire (ou hélicité*), sont parfaitement conservées lors de propagation spatiale, même sur de très longues distances. Tout l’’enjeu consiste dès lors à comment convertir et moduler l’état magnétique de l’électron en un signal lumineux porteur de ces informations.

C’est la polarisation circulaire de la lumière que les scientifiques de l'Institut Jean Lamour (CNRS/Université de Lorraine, France) ont choisi, en collaboration avec le Laboratoire Albert Fert (France), l'Université de Toulouse (France), l'Université Paris-Saclay (France), la Ruhr-Universität Bochum (Allemagne), l'Institut des semi-conducteurs et l'Institut de physique (Académie chinoise des sciences), National Institute of Advanced Industrial Science and Technology (Japon), University of Minnesota (États-Unis), National Renewable Energy Laboratory (États-Unis) et University at Buffalo (États-Unis), pour mémoriser l’état magnétique de l’électron. Actuellement, pour moduler cet état de spin sur la polarisation de la lumière, on utilise de champs magnétiques. Elles sont générées par des électro-aimants puissants, donc très volumineux, peu maniables, et la fréquence d’encodage reste relativement lente (de l’ordre de kHz-MHz). Les scientifiques ont utilisé pour la première fois une impulsion électrique pour moduler l’aimantation de l’injecteur, convertissant de spin de l’électron en signal optique présentant une polarisation circulaire spécifique grâce à l’effet quantique appelé «couplage spin-orbite». Grâce à cet effet, la fréquence de l’encodage passe de 10 à 100 GHz, et le dispositif expérimental générant ces impulsions présente une taille réduite qui rend sa mise en œuvre est bien plus aisée.

Cette conversion spin-photon ou transfert d’aimantation commandé électriquement, a été réalisé dans des diodes LED électroluminescentes. Ce codage de l'information, qui permet d’envisager son transport rapide sur de grandes distances, pourrait également trouver des applications dans le domaine des communications entre data-centers… Des résultats à retrouver dans la revue Nature.

 

* Appelée aussi hélicité, elle représente le sens de rotation de la composante électrique de la lumière (horaire ou antihoraire) autour de son axe de propagation.

 

Rédacteur : CCdM

Référence

Pambiang Abel Dainone et al.

Controlling the helicity of light by electrical magnetization switching

Nature 627, pages783–788 (2024)

https://www.nature.com/articles/s41586-024-07125-5

Publié en ligne le 28 mars (lire l’article https://rdcu.be/dCFs3)

Contact

Yuan Lu
Chercheur à l’Institut Jean Lamour (CNRS/Université de Lorraine)
Communication CNRS Chimie