Hommage à Jean Lhomme

Jean Lhomme, professeur émérite au Département de Chimie Moléculaire de Grenoble s’est éteint. L'Institut de Chimie du CNRS souhaite rendre hommage à l’important chimiste qu’il était, à travers les nombreux témoignages.

Dès l’annonce de sa disparition le Dept. Chimie Moléculaire (DCM) (CGA & CNRS) a retracé le parcours de Jean Lhomme qu’il connaissait si bien.

Originaire de Lunéville en Lorraine, diplômé de l’Ecole de chimie de Strasbourg, sa carrière scientifique a commencé par un doctorat au début des années 60 dans le laboratoire dirigé par le Professeur Guy Ourisson. Doctorat en poche, Jean Lhomme a rejoint la Russie pour un premier séjour postdoctoral de 1966 à 1967, puis un second à l’Université de Californie à Los Angeles chez le Professeur Saul Winstein. Sa carrière débute par sa nomination de Professeur des Universités en Janvier 1970. Il crée alors une équipe indépendante « Chimie des substances naturelles » laboratoire de «Chimie Organique Biologique », laboratoire associé au CNRS  et dirigé par le Professeur Alain Kergomard. Parmi ses premiers thésards , on peut citer Jean Bolte, Colette Demuincq, Daniel Gardette, Jean-François Pikovski…

Ses activités de recherche concernaient déjà le mode d’action de composés potentiellement antimitotiques, et plus généralement la chimie pour la santé comme ple soulignent ses premiers articles publiés dans  JACS en 1976 “Synthetic Models of Deoxribonucleic-Acid Complexes with Antimalarial Compounds.1. Interaction of Aminoquinoline with Adenine and Thymine”, ou un article qui fait actualité aujourd’hui puisqu’il traite de la Chloroquine : “Preparation of Models of the Deoxyribonucleic acid complex with Chloroquine” publié dans le Bulletin de la Société chimique de France en 1980.

Parallèlement à ses fonctions de Professeur, il a occupé les fonctions de directeur scientifique à la délégation générale à la recherche scientifique et technique (DGRST) de 1974 à 1977.  Toujours désireux de construire et développer de nouveaux projets, en 1977, Jean Lhomme a rejoint l’Université de Lille où il a crée une nouvelle équipe de chimie organique Biologique. Il va durant 10 années, développer de nouveaux projets de recherche allant de la synthèse, réactivité et interaction de molécules actives au niveau de l'ADN,  à la synthèse de métabolites et études de réactivité de cancérogènes, d’agents  intercalants de l’ADN en série acridine, de quinoléine, furocoumarine aux propriétés antitumorales, antimalariques, et photodermatologiques, sans oublier la synthèse de nucléosides modifiés.

Sa brillante carrière se poursuit alors à Grenoble avec son arrivée pour prendre la direction du LEDSS en 1987. Il était alors entouré de quelques  collègues et étudiants toujours en activité au sein du laboratoire devenu le DCM aujourd’hui (Jean-François Constant, Eric Defrancq) et du DPM (Martine Demeunynck, Jean-Luc Decout). Il a ainsi dirigé le LEDSS jusqu’en 1998 et l’équipe de Chimie bio-organique (LEDSS VI) Les nombreux projets démarrés à Lille vont s’épanouir à Grenoble avec plus d’une centaine de publications reconnues. Ses travaux ont fait l’objet de nombreuses collaborations, notamment avec la Belgique avec le Professeur Jacques Reisse de l’Université Libre de Bruxelles, ou encore avec le Professeur Claude Hélène du Laboratoire de Biophysique du Museum National d'Histoire Naturelle de Paris. » (biographie de Véronique Gineste & Didier Boturyn)

Les témoignages sont nombreux et tous partagent l’admiration autant pour la personne que pour le scientifique qu’était Jean Lhomme…

Que ce soit en se remémorant « les merveilleux souvenirs de Jean Lhomme à qui je dois énormément » Mitsuharu KOTERA

Ou bien en le remerciant : « … le Prof Jean Lhomme nous laisse un gros héritage scientifique, notamment en ce qui concerne la chimie des acides nucléiques ou encore la chimie héterocyclique. Il nous laisse aussi l’image d’un homme courageux, entreprenant, rigoureux et extrêmement brillant, avec toujours de bons conseils. » Véronique Gineste & Didier Boturyn

Ceux qui ont eu la chance de l’avoir comme professeur (il a dirigé une douzaine de thèses): « Sa pédagogie et sa passion pour sa matière m’ont permis de prendre conscience des immenses possibilités que la chimie organique biologique offre pour comprendre le vivant mais aussi pour le soigner.… Jean Lhomme inspirait le respect et dégageait une rigueur passionnée. Le quotidien dans son équipe était toujours riche en échanges pluridisciplinaires, chacun ayant son rôle dans l’animation et dans le partage des connaissances. Autour de moments conviviaux, les discussions allaient bon train et étaient toujours stimulantes »…

Et d’admirer « Jean avait un grand cœur, une culture de la science et de la vie que nous partagions avec enthousiasme et respect. Jean était un homme libre, assoiffé de découvertes. Il était un grand sportif toujours à l’affût des plus hauts sommets du monde et des défis physiques que cela représentait ». Emmanuelle TREVISIOL

ou de créer des vocations : « Son enseignement si enthousiaste de la chimie, sa façon si personnelle d’écrire les mécanismes de réaction avec des flèches artistiques ont été les déclencheurs de mon goût de la chimie organique et hétérocyclique…

On se souvient « lorsqu’il quittait son bureau le soir et venait m’interroger avec empathie sur mon travail du jour en me demandant comment j’expliquerais cela à un industriel. Son charisme et son aura étaient intimidants mais Jean savait nous mettre à l’aise. L’équipe de recherche de Jean Lhomme était extraordinaire, mélangeant avec brio la chimie organique, la modélisation moléculaire, la biologie moléculaire sans oublier la RPE et la RMN, nous forçant ainsi à ne pas mettre de frontières entre les disciplines. Au fil des années Jean était devenu plus qu’un mentor, je peux le considérer comme un ami et j’en suis fier ! Jean a marqué ma vie, comme celle de beaucoup d’autres, comme un grand scientifique, un esthète, un amoureux des grands espaces (trekking), un visionnaire, il nous laisse un héritage dont nous devrons être dignes. »

Philippe BELMONT, ancien doctorant au LEDSS et maintenant Professeur à l'Université Paris Descartes.

Ou bien encore appréciant sa générosité et son implication comme au SAMU social de Grenoble : « .. il venait avec son sourire et sa franchise… il a regardé la maladie droit dans les yeux et qu'il était heureux de son passage sur terre. Un humain qui faisait du bien autour de lui :-) » Emmanuel FROGER

« ..Très actif dans les maraudes et dans le bureau. Notre sauveur quand il fallait parler Russe. Impossible de l'oublier.. ». Mario ZITOLI

Tous s’associent à la douleur de ses proches dans ce contexte si particulier…

Et les pensées « vont aujourd’hui à sa famille et plus particulièrement à Marie-France, sans qui rien n’aurait été possible, à eux deux il ne faisait qu’un… » (E.T.)

« ..les circonstances n’ont pas permis de diffuser la nouvelle comme il se devait, de témoigner de notre soutien à la famille et de rendre hommage à Jean Lhomme (Jean-François Constant) »