Des levures pour évaluer la présence de cuivre dans l’environnement

Résultats scientifiques

Le cuivre est un micronutriment essentiel à la vie dont la carence peut engendrer des problèmes neurologiques et sanguins. Mais à plus forte concentration, il est toxique. De plus en plus utilisé dans l’industrie, en particulier dans la fabrication des batteries des voitures électriques, en tant qu’engrais, fongicide ou insecticide, le cuivre est devenu un polluant émergent critique. Son suivi dans les eaux est un défi sanitaire et environnemental majeur. Des chimistes du CBM (CNRS) viennent de développer un nouveau système de détection du Cu extrêmement sensible et facile à mettre en œuvre. Ces résultats sont parus dans la revue Biosensors and Bioelectronics.

Le cuivre est un élément naturellement très abondant sur terre, peu coûteux, et de plus en plus utilisé dans de nombreuses technologies comme la production des batteries ou par l’industrie agroalimentaire (engrais, fongicide, insecticide..). De nombreux chercheurs travaillent également sur le remplacement de certains éléments rares ou sensibles comme le platine, le palladium… par du cuivre. Sa présence dans les cours d’eau et les sols s’accroît donc progressivement. Si, à des concentrations raisonnables, le Cu est un micronutriment essentiel à la vie dont la carence peut d’ailleurs engendrer des problèmes neurologiques et sanguins, il devient toxique à des concentrations plus élevées. Cet élément constitue donc un polluant émergent critique. Son suivi dans les eaux, et plus particulièrement sous ses formes biodisponibles c’est-à-dire susceptibles de pénétrer dans les tissus et les cellules des organismes vivants, constitue un enjeu sociétal et environnemental majeur.

Les méthodes analytiques actuelles de détection du cuivre reposent malheureusement sur des technologies qui nécessitent un appareillage coûteux et une forte expertise expérimentale. De plus, ces méthodes quantifient la quantité totale de cuivre présent dans un échantillon, d’eau par exemple, mais ne différencient pas le cuivre assimilable par les organismes vivants.

Des chercheurs du Centre de biophysique moléculaire (CNRS) viennent de développer un nouveau système de détection du cuivre : un biocapteur à base de la levure Saccharomyces cerevisiae. La levure S. cerevisiae est un organisme unicellulaire eucaryote présent dans la nature, intrinsèquement capable d’assimiler le cuivre et un excellent modèle de laboratoire. Le biocapteur développé dans cette étude est extrêmement sensible et facile à mettre en œuvre. Il permet la détection de cuivre de manière ratiométrique, c’est-à-dire que le signal détecté, ici l’émission d’une protéine fluorescente, est directement corrélée à la concentration en cuivre biodisponible. En effet, l’expression de cette protéine fluorescente est sous le contrôle du promoteur CUP1, séquence d’ADN dont l’activité est corrélée à la concentration en cuivre présent dans la cellule et bien caractérisé chez Saccharomyces cerevisiae.

Les chercheurs ont modifié génétiquement les levures afin de créer différents variants et d’optimiser leur sensibilité au Cu et leur rôle de biocapteur. Ils ont ainsi mis au point des cellules capables de détecter le cuivre biodisponible à une concentration inférieure limite de 10 nM, dans une gamme linéaire allant de 10-3 à 10-8 M. Ces données surpassent toutes celles obtenues par les biocapteurs actuels. Ce biocapteur a également été testé avec succès sur des échantillons « réels » (compléments alimentaires, engrais) dont les concentrations en Cu détectées correspondent tout à fait avec celles annoncées par les fabricants. Simple, robuste et facile à mettre en œuvre, ce biocapteur décrit dans la revue Biosensors and Bioelectronics pourrait bien devenir un nouvel outil précieux pour évaluer la concentration de Cuivre présent dans nos rivières.

Rédacteur : AVR

© Béatrice Vallée

Référence

Re-engineering of CUP1 promoter and Cup2/Ace1 transactivator to convert Saccharomyces cerevisiae into a whole-cell eukaryotic biosensor capable of detecting 10 nM of bioavailable copper

Bojan Zunar, Christine Mosrin, Hélèene Bénédetti, Béatrice Vallée, Biosensors and Bioelectronics, 21 juin 2022

https://doi.org/10.1016/j.bios.2022.114502

Contact

Béatrice Vallée
Chercheuse au Centre de biophysique moléculaire (CNRS)
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS