Un additif pour rendre (bio)dégradable les objets obtenus par impression 3D

L'impression 3D permet de fabriquer de nombreux objets dans des résines solides qui sont mécaniquement, thermiquement et chimiquement très résistantes. Cette stabilité rend cependant ces matériaux peu dégradables ou recyclables. Des chimistes ont montré que la polymérisation radicalaire par ouverture de cycle permet de modifier chimiquement des résines classiques à base d'acrylates pour y introduire des liaisons faibles qui les rendent dégradables. L'imprimabilité de la résine, la résolution d'impression et les propriétés mécaniques des objets 3D restent intactes, mais ceux-ci se dégradent dans un solvant basique ainsi que dans un compost domestique. Cette nouvelle approche a été récemment publiée dans ACIE.

La fabrication additive et plus particulièrement l'impression 3D ont révolutionné la fabrication industrielle classique en créant directement des objets 3D à partir de plans conçus sur ordinateur et en utilisant une technique de dépôt de couches successives de matériaux polymères. L’impression 3D est devenue extrêmement populaire avec le développement des procédés de photopolymérisation qui sont résumés par le terme de photopolymérisation VAT. Les avantages sont une construction rapide, une bonne résolution (caractéristiques <100 μm), une large tolérance à la viscosité de la résine et un faible coût. L'objet 3D est obtenu par la réticulation d'une résine liquide constituée principalement de dérivés multifonctionnels de (méth)acrylates. La photopolymérisation des (méth)acrylates se produit rapidement, avec des rendements élevés, et ne génère presque pas de sous-produits. Ceci conduit à un matériau réticulé dont les propriétés mécaniques peuvent être ajustées par la structure des monomères. Ces objets sont constitués d'un réseau 3D covalent de liaisons C-C qui leur confère une grande stabilité thermique et chimique mais interdit aussi leur dégradation et réutilisation. De grandes quantités d’objets imprimés en 3D sont donc incinérés ou stockés dans des décharges après utilisation, rendant ce procédé de fabrication incompatible avec les chartes environnementales actuelles.

Si des solutions à cette problématique ont été proposées dans la littérature, la plupart nécessitent de préparer des monomères spécifiques avec un noyau dégradable entre les fonctions (meth)acrylates et de les utiliser en tant que nouvelle résine. Cette approche implique de préparer une quantité importante de monomères pour chaque impression 3D et est difficilement transposable à grande échelle. De plus, les propriétés des photopolymères sont affectées par cette structure et il est difficile de trouver la composition optimisée pour cibler à la fois la dégradabilité et les propriétés mécaniques souhaitées.

Des chimistes de l’Institut de chimie radicalaire (CNRS/Aix-Marseille Université) et de l’Institut des sciences des matériaux de Mulhouse (CNRS/Université de Haute-Alsace) proposent une nouvelle stratégie pour conférer des propriétés de dégradabilité à des objets faits par impression 3D. Ils utilisent un comonomère, le dibenzo[c,e]-oxepane-5-thione (DOT), qui joue le rôle d’additif (2 % en poids) dans des résines acrylates conventionnelles. Cette approche a été appliquée à plusieurs systèmes d’impression 3D, à de la stéréolithographie à deux photons ainsi qu’à des imprimantes 3D commerciales. Quelle que soit l’échelle, les objets ont pu être dégradés en conditions basiques à des vitesses qui dépendent de la taille de l’objet, mais en conduisant dans tous les cas à leur dissolution complète. Si des objets combinent des parties faites avec et sans l’additif, il est possible de dissoudre uniquement les parties contenant l’additif, en conservant intactes les parties sans additifs. Ces propriétés de dégradation devraient permettre de diminuer de façon notable le volume des déchets produits par impression 3D et ce même à l’échelle industrielle. Cette nouvelle approche a été récemment publiée dans ACIE et fait l’objet d’un brevet déposé avec la SATT CONECTUS.

Rédacteur: AVR

L'introduction de fonctions thionolactones en petites quantités par polymérisation radicalaire contrôlée par ouverture de cycles dans des résines acrylates permet de créer des objets par impression 3D qui sont dégradables et recyclables.
© Noémie Gil et al

Référence

Noémie Gil, Constance Thomas, Rana Mhanna, Jessica Mauriello, Romain Maury, Benjamin Leuschel, Jean-Pierre Malval, Jean-Louis Clément, Didier Gigmes, Catherine Lefay, Olivier Soppera et Yohann Guillaneuf
Thionolactone as Resin Additive to Prepare (bio)degradable 3D Objects via VAT Photopolymerization Angewandte Chemie International,7 février 2022

 

https://doi.org/10.1002/anie.202117700

Contact

Yohann Guillaneuf
Chercheur à l'Institut de chimie radicalaire (CNRS/Aix-Marseille Université)
Olivier Soppera
Chercheur à l'Institut de sciences des matériaux de Mulhouse (CNRS/Université de Haute Alsace)
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS