Un nouvel élément de reconnaissance pour les biocapteurs

Résultats scientifiques

Au sein des cellules, des protéines appelées facteurs de transcription, reconnaissent spécifiquement diverses molécules. Des chercheurs du LCPO (CNRS/Université de Bordeaux/Bordeaux INP) et de l’université de Boston ont utilisé ce principe pour concevoir un biocapteur pour la progestérone, une hormone liée à la fertilité. Publiés dans la revue Nature Communications, ces travaux ouvrent la voie à une nouvelle famille de capteurs.

Anticorps, protéines ou ADN, de nombreux éléments de reconnaissance utilisés dans les cellules peuvent servir à détecter la présence de composés utiles au diagnostic médical ou au contrôle qualité dans l’agroalimentaire. Ces biocapteurs indiquent par exemple la quantité d’hormones présente dans l’urine, comme la progestérone liée à la fertilité. Celle-ci est classiquement révélée à l’aide de biocapteurs basés sur les anticorps, une méthode qui coûte cher à développer et produire. Elle ne permet pas non plus de lecture en continu, alors que les taux d’hormones varient en permanence. Des chercheurs du Laboratoire de chimie des polymères organiques (LCPO, CNRS/Université de Bordeaux/Bordeaux INP) et de l’université de Boston ont donc proposé un nouveau biocapteur pour la progestérone, basé sur des protéines appelées facteurs de transcription (FT).

Les FT servent à fixer l’ADN pour amorcer ou réguler la transcription d’un gène. Ils peuvent également se lier à un ligand spécifique, et donc à une molécule. Les FT avaient déjà été utilisés comme biocapteur, mais seulement à l’intérieur d’une cellule, ils sont ici déployés pour la première fois en dehors. Les chercheurs ont d’abord identifié un FT sensible à la progestérone au sein de bactéries. La protéine a ensuite été conjuguée à des quantum dots, des nanoparticules fluorescentes, tandis que de courts segments d’ADN ont été marqués par un fluorophore (Cyanine 5 – Cy5). Quand ils sont suffisamment proches, quantum dots et ADN peuvent réaliser ce que l’on appelle un transfert d’énergie non radiatif (FRET), qui induit la fluorescence de l’ADN. En présence de progestérone, les FT sur les quantums dots se dissocient de l’ADN : le FRET diminue et la fluorescence des quantum dots augmente. Le ratio de luminescence entre ces deux sources indique la quantité d’hormone en solution. Ce biocapteur atteint une limite de détection de 15 nanomoles par litre en progestérone, ce qui est suffisant pour détecter l’hormone dans de l’urine. Les chercheurs comptent à présent pousser la sensibilité de cette preuve de concept, en vue par exemple de détecter les hormones dans la sueur. Puisqu’une infinité de FT existe au sein des bactéries, ces travaux ouvrent des perspectives pour quantifier autant de molécules.

© Grazon et al.

Schéma du senseur de progestérone basé sur un transfert d’énergie (FRET) entre des quantum dots décorés de facteur de transcriptions (vert) et un ADN marqué par un fluorophore (rouge). La présence de progestérone interrompt le FRET, ce qui diminue la fluorescence du fluorophore tout en augmentant celle des quantums dots.

Référence :

C. Grazon, R. C. Baer, U. Kuzmanovic, T. Nguyen, M. Chen, M. Zamani, M. Chern, P. Aquino, X. Zhang, S. Lecommandoux, A. Fan, M. Cabodi, C. Klapperich, M. W. Grinstaff, A. M. Dennis, J. Galagan. A Novel Progesterone Biosensor Derived from Microbial Screening. Nat. Commun. 9 mars 2020.

DOI 10.1038/s41467-020-14942-5

Contact

Chloé Grazon
Chercheuse à l'Institut des sciences moléculaires (CNRS/Université de Bordeaux/Institut polytechnique de Bordeaux)
Sébastien Lecommandoux
Enseignant-chercheur au Laboratoire de chimie des polymères organiques (CNRS/Institut polytechnique de Bordeaux/Université de Bordeaux)
James Galagan
Université de Boston
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS