Anne-Marie Delort, entre ciel et neige

Distinctions Chimie verte

Spécialiste de spectroscopie RMN,
Anne-Marie Delort explore les frontières entre la biologie et la chimie, pour élucider le métabolisme des bactéries. Cette passionnée de randonnée à ski dirige la thématique « Métabolisme et Environnement » à l’Institut de chimie de Clermont-Ferrand(1), thématique reconnue sur le plan mondial pour l’analyse des eaux de nuages.

Explorer les domaines vierges
Au téléphone, sa voix est chaleureuse et claire, directe. Anne-Marie raconte, avec précision, ses études, ses recherches, qu’elle ponctue d’anecdotes plus personnelles. Elle s’estime chanceuse. Mais sa réussite, elle ne la doit très certainement pas au hasard. En montagne comme au laboratoire, Anne-Marie Delort explore. Sort des sentiers battus. Le ski de randonnée ? Une passion qui lui ouvre la voie à des pentes neigeuses vierges de toute trace. Ses recherches ? Elle les pilote avec le même esprit. Elle sonde les domaines inexplorés, elle visite les frontières entre disciplines. Elle va là où on ne l’attend pas.

Du flair, de la pertinence… et une robuste expertise !
Dès ses premiers pas de scientifique, Anne-Marie Delort navigue à l’interface de la microbiologie et de la chimie analytique. Elle étudie le métabolisme des bactéries avec la spectroscopie RMN. En d’autres termes, elle répond à des questions d’ordre biologique avec des outils de chimiste. Son spectre de recherche tourne autour du médical (hémophilie, cancer, myopathie, génétique…) quand le sujet de l’environnement s’impose à elle. Plastiques, pesticides fabriqués en masse finissent dans les sols, dans l’eau des lacs et des océans. Mais que deviennent-ils ? Elle propose de recourir à la RMN pour étudier comment ces polluants sont dégradés par les micro-organismes. Son approche, originale, intrigue : la RMN est jusque-là réservée au domaine médical. Elle prend le risque de lancer le sujet de recherche. Son indiscutable expertise, consolidée par une année passée au laboratoire de biochimie d’Oxford, lui donne le courage et la légitimité de s’accrocher à son projet. Les résultats pleuvent.

Aller plus loin, plus haut, dans les nuages
En 2005, nouveau coup de poker. Sa passion du ski (toujours !) l’amène par pur hasard à une rencontre décisive avec un chercheur de l’observatoire du Puy de Dôme lui apprend que l’on peut prélever des échantillons… de nuages. Sa curiosité est piquée ! L’occasion est trop belle ! Elle prend le risque, minime, de lancer une première étude sur un stage de master. Très vite, le sujet devient la thématique majeure de son groupe de recherche abordée par des approches interdisciplinaires (écologie microbienne, chimie atmosphérique, métabolisme microbien, chimie analytique…) en étroite collaboration avec ses collègues physiciens de l’atmosphère. Mille souches de bactéries et champignons prélevés dans les nuages envahissent les congélateurs du laboratoire. En 2013, un article paru dans la célèbre revue PNAS(2) légitime tout à coup son travail dans la communauté des atmosphériciens. Anne-Marie Delort est invitée à de nombreux congrès. Le sujet devient sérieux. Barbara Ervens, chercheuse à la prestigieuse Organisation Mondiale de Météorologie, choisit de venir à Clermont dans le cadre du programme Make Our Planet Great Again. Les perspectives scientifiques sont savoureuses : la question est de savoir si les micro-organismes influencent la chimie et la physique des nuages de manière suffisamment significative pour intégrer leur activité dans les modèles de prévision du climat. Anne-Marie Delort se réjouit d’avance…

(1) L’Institut de Chimie de Clermont-Ferrand (ICCF) est une unité mixte de recherche CNRS / Université Clermont Auvergne / Sigma Clermont

 (2) PNAS : Proceedings of the National Academy of Sciences

Cécile Dupuch-Sicaud

Contact

Anne-Marie Delort
INSTITUT DE CHIMIE DE CLERMONT-FERRAND (ICCF)